Kazakhstan : ride à la croisée des civilisations

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Parfois, la genèse d’un trip çà ne s’explique pas. Ca prend comme un envie pressante, celle qui te fait filer rapide en direction les chiottes pour satisfaire un besoin vital. Le plaisir solitaire de la lecture d’un vieux ski français hors série freeride, peut te faire rapidement accoucher d’une bonne petite destination ski trip.

Quelques infos plus tard glanées auprès d’un certain Jérôme CATZ, (globetripper.com) et on file à Genève direction Almaty via Amsterdam.
Destination Chimbulack (2200/3200m) une station du Kazakhstan pays de chez Borat, à 20 bornes d’Almaty. Le Kazakhstan, grand pays d’Asie centrale, ancien satellite du bloc communiste.
Voisin de la Chine simplement séparé d’une chaine montagneuse le Tian Shan. Cette échine montagneuse commence à l’est à la frontière entre le Kazakhstan le Kirghizstan et la chine, dont les plus hauts sommets (Pic Pobedy et autre Khan Tengri) s’élèvent à plus de 7000m d’altitude.

10 heures d’avion et quelques somnifères plus tard, il est 5 heures du mat et on négocie le tarif du taxi à Almaty. Finalement on se cale dans un taxi conduit par un grand gonzier asiatique. La caisse déboule dans la ville déserte sur des artères et grands boulevards bordés de barres d’immeubles dans le plus pur style soviétique. Il fait froid et humide mais pas de neige. On finit par quitter la ville. Difficile de communiquer avec le chauffeur parle le russe. La voiture se stoppe à une échoppe de tout et rien, notre pilote reviens avec deux paquets de cigarettes, pisse un coup et reprend le volant tout en commençant à enchaîner les clopes transformant la caisse en un gros aquarium.

La route s’étire et on file vers nulle part. Il finit par se mettre à pleuvoir et au détour d’un virage il neige brutalement des pizzas. Le chauffeur grimace et répète sans cesse « snieg, snieg » pas qu’il se mette à pleurnicher mais on comprend rapidement qu’il parle de neige et qu’il sent mal le truc. La route devient rapidement blanche et se redresse sérieusement, pas âme qui vive. La voiture fait l’essuie glace pour tenter de monter, la gomme des pneus fume. Dix minutes plus tard on a tout essayé et on déballe nos sacs finalement résignés à monter au spot à pied sous des patates de neige.

Chimbulak c’est un hôtel, deux pistes, trois télésièges deux trois bars trois snacks des chalets et grosses propriétés sécurisées dont celle du président de république Noursoultan Nazarbayev.
Le spot sera connu l’année prochaine dans le monde entier car c’est ici même que se tiendront les 7ème jeux d’hiver pan-asiatiques en gros les JO d’hiver des pays asiatiques.
La station est en plein travaux et deux nouveaux lifts ont été posés récemment ce qui nous ouvre de nouvelles perspective de ride sur ce spot particulier.
Une fois posés dans une piole de l’hôtel à la limite de l’insalubrité, on file prendre contact avec les responsables de l’ « office » et les prévisions météo sont vraiment dans la tendance snieg de chez snieg. Ce n’est pas cette semaine qu’on va sortir la crème solaire … On s’en fout y a de la poudre.
Les skis sont rapidement sortis et le ride commence à nous démanger, le spot est farci de fraiche et la pression monte automatiquement. Puis peu à peu on prend le rythme du spot, pas de quoi s’emballer on est au fin fond du Kazakhstan rien à voir avec la cohue des 8h 30 du RER ligne C ou encore du 1er siège du Pouta aux 7 Laux un jour de grosse session ce n’est pas ici que çà va tracer, non, tu peux freiner Mimosa ; la station ouvre pas avant 10 du mat …

Une rapide éclaircie nous permet d’évaluer l’ampleur du spot. L’endroit est varié, de la forêt, des grosses faces pointues lardées de couloir et de grosses lignes, des grosses montagnes bardées de glaciers ont est tout de suite à plus de 4000m d’altitude et non loin sur la gauche le Kan Tengri (7010m), ça fait pas rire les enfants….
Un rapide repérage et on se voit bien monter au col de Talgar Pass à 3163 m, là haut à gauche de l’arrivée du dernier lift.

Un couloir semble idéal à rider, à priori peu pentu sans trop d’accumulation et nanti de quelques échappatoires, laissons faire et on verra bien ce que ça dit dans un jour ou deux…

Ce n’est pas passé 10h 10 qu’on est déjà sur le siège. Dans n’importe quel spot du monde et quelles que soient les conditions de neige, c’est toujours magique de claquer les fixations dans un pays tordu. C’est jour blanc mais peu importe, il y a de la fraiche et la curiosité nous pousse à aller faire le tour du spot.

Le front de neige c’est le théâtre, des familles, des chinois en visite touristiques, des filles posées sur talons de 10, des similis mafieux qui font les barons, des russes imbibés de vodka, tout y est.

Le premier siège deux places sur lequel on s’est vissés est plutôt rustique, il survole une piste bleue/verte sur le côté de laquelle trône un 6×6 avec la photo du daron Noursoultan Nazarbayev tout sourire, un masque Oakley sur la calebasse, fier comme si il venait de réussir sa 2ème. Le premier siège nous lâche à mi-spot, il en reste encore deux autres on enfile le second, le troisième un monoplace, n’ouvrira jamais pour des raisons de sécurité ou d’économies l’avenir nous le dira.

Après un rapide run sur les deux pistes bleues vertes de la station, on commence à repérer quelques courtes contre-pentes l’histoire de se faire une idée du manteau neigeux. Les premiers appuis en témoignent, une bonne poudre sur trente, des plus velours, et dés qu’il faut appuyer, la sensation est fuyante, sans consistance.
Après une coupe du manteau neigeux tout s’explique, des gobelets sur presque un mètre une croûte de regel et nos 30 cm de poudre. Maintenant, je comprends mieux la teneur de la réflexion Jérôme KATZ qui me dit «enfoiré tu va à Chimbulak, promet moi de pas faire le con. » Les grosses faces du haut commencent à s’éloigner de mon esprit …

On enquille donc dans la forêt qui heureusement compose une bonne partie du spot. Ici le risque se limite car le vent n’a pas travaillé, il y a, à priori, moins de système de plaque.
Après un premier tour de spot on comprend assez vite qu’on va se gaver, çà pose non stop, et on dispose de 800m de dénivelé rien que pour nous.
L’endroit est de ces spots qui ne ressemblent à rien mais qui ont l’énorme avantage d’être traversés en bas par une route perpendiculaire qui soit disant mène à une « petite » bicoque : la datcha du collègue camarade Nazarbayev, étroitement surveillée par des gardes qui tournent en bagnole, on y reviendra plus tard.

De quoi décaler ses runs, méthodiquement et en toute quiétude au fil de la session sans jamais se perdre.
C’est seulement après ces préliminaires efficaces que le spot daigne s’ouvrir à nous. Dés lors nous pénétrons dans cette forêt peu dense, des souches à sauter, des contre-pentes à slasher, tout çà dans une poudre légère et une ambiance ouatée à souhait digne de la Chartreuse des grands jours…
Chacun tire sa ligne dans la forêt à son rythme et son envie puis on fait le point après, le cuissot bien fumant.

Les journées s’enchainent, çà pose toute la journée sans discontinuer. Le troisième jour est marqué par des relatives éclaircies mais surtout par un gros redoux. Si cette accalmie permet de reluquer tranquillement les lignes qu’on envisage de rider, c’est aussi là qu’on réalisera sans discussion possible qu’on n’y touchera finalement pas…
Sous l’effet du redoux, le couloir repéré et convoité dés premier jour se décroche gentiment sous nos yeux, un petit départ anodin emporte finalement toute la ligne qui descend sur ses 1000 m de dénivelé, ne laissant que de la terre le tout dans un fracas hallucinant. Ce seul avertissement heureusement sans frais suffira. C’est là que tu l’aimes plus que tout, ton option spot de la forêt…Cet épisode scellera définitivement toute envie de monter rider les grosses lignes. Et pis de toute façon, les montagnes, on ne les verra que juste le temps d’une éclaircie d’ici la fin du trip.

Après avoir arsouillé toute la forêt les deux premiers jours on passe voir les prévisions météo à l’office. Andrei nous annonce une éclaircie pour demain. Peut être que le siège intermédiaire va ouvrir, on y croit fort… Le lendemain matin, il fait beau dés le lever du jour. On découvre enfin Almaty qui s’est aussi découverte de son nuage de pollution. L’embellie sera de courte durée la station ouvre à 10h comme toujours et déjà c’est le rideau. Andrei nous fait prendre le second siège. 30 de fraiche se sont posés la nuit dernière çà sent plutôt bon…En haut du lift on discute un moment avec les pisteurs. Qu’en est-il en cas de problème ?? Les pisteurs n’ont pas d’ARVA, l’occasion pour nous de leur en expliquer le principe de fonctionnement. De toute façon, eux en cas de problème ils ne comptent que sur un chien et pour le reste ils s’en remettent au destin…
Malgré le jour blanc qui est de retour, on sera les seuls à être montés, et la première trace c’est pour nous. Andrei nous emmène sur son spot. La ligne serpente entre les contrepentes d’une ancienne morène, juste dessous la face dont l’un des couloirs c’est décroché la veille, autant dire que si le run était bon, poudreux à souhait, on l’a fait avec le feu au cul, les yeux rivés sur la montagne en espérant que çà ne décroche pas. Après 1000m de déniv, on remonte un chemin qui nous ramène à la station. L’occase de discuter un peu et de faire gentiment remarquer à Andrei que le run, même s’il était bon, nous à semblé un poil exposé. Il raconte que l’an dernier lors d’une session dans un autre spot, il a perdu deux de ses potes. Il semble touché quand il en parle mais sans plus. Est-ce simplement de la pudeur ou considère t il que c’est le destin. A chacun sa façon d’appréhender la mort à force d’enchainer les trips dans les pays de l’est force est de constater qu’après quelques paires d’années d’oppression, les gens de l’est ne voient pas les choses comme nous.

Il se remet à neiger. On laisse Andrei pour retourner dans notre forêt qui nous parait un peu glauque aujourd’hui. Le lendemain Andrei nous descend à Almaty, çà changera du bucheronnage.

Almaty pollution city
Le land V12 6.3L glisse doucement en direction d’Almaty sous un épais couvercle de pollution. Almaty c’est la grosse ville du Kazakhstan, ancienne capitale destituée après décret de 1997 signé du président Nazarbayev au profit d’une autre ville Astana. Comme quoi suffirait d’un décret et Grenoble pourrait devenir la capitale de la province du Grésivaudan.
Une fois à la ville on comprend mieux pourquoi tant de pollution, la circulation y est hyper dense, beaucoup de bagnoles sont des gros 4×4 nantis de gros moulins et le tout ne dépasse pas le 70 sous l’œil vigilant de la maréchaussée qui essaye de gérer le flux tant mal que mal.
Andrei pose la voiture et en bon pin pins, on file à pied vers le quartier du bazar après avoir traversé le parc Panfilov et jeté un œil à la cathédrale Zenkov, magnifique relique de l’époque tsariste.

Le bazar est un endroit incroyable, si la ville est marquée par l’architecture et l’ambiance soviet, aller au bazar c’est se plonger dans un savoureux mélange de toutes des civilisations orientales, asiatiques et occidentales. Le bazar est un dédale de petites cabanes de chantier reliées les unes aux autres. Le tout est divisé en différents secteurs, (le manger et les épices, les habits, les chaussures, les bricoles, les babioles, le petit électro ménager et jeanpasse). Tout est confiné, et chaque commerçant est engoncé dans un carré de 1.5m de côté et chaque carré est un magasin à lui tout seul, tout est rangé au poil à faire pâlir un comptable maniaco-obsessionnel du rien qui dépasse. Chaque allée est bordée de ces estancos. Les commerçants sont souriants, commerçants, et veulent tous poser pour la photo. De temps à autre on croise le marchand de thé qui fourni les commerçants sur place car ils restent dans leur mini boutique de toute la journée.

La suite s’enchaine et on récupère la voiture pour aller manger. On s’enfonce alors dans les banlieues de la ville, loin des grandes tours dans des quartiers de petites maisons parfois à peine plus grandes que des mobil home mais de 50ans d’âge avec un toit de tôle à base d’amiante. Alors pour cacher la misère, elles sont peintes de toutes les couleurs. Une rue semble plus encombrée que les autres la 4×4 se gare on file ensuite dans une ruelle qui mène à une cour intérieure au fond de laquelle des serveuses s’affairent à porter des plats de bectance.
Sacha Andrei et son pote nous on conviés dans un bon plan resto pas trop cher.
Ici pas de bar ni de déco juste des rangées de tables comme à la cantine, une sorte de resto kolkhozien ou tous, ouvriers, cadres, flics, militaires, jeunes, vieux viennent manger copieux kazakh et pas cher. Incroyable réminiscence d’une atmosphère de l’époque soviet ou comment se faire un trip le temps d’un resto…

Ligne du Président
De retour sur le spot, la pose de snieg du jour à tout remis à neuf. Ceci dit, après avoir consciencieusement ligné la forêt accessible par les vieux TS on aurait été presque lassés. C’est sans compter sur la chance car à l’approche du weekend end le nouveau siège tourne… Bonne gavade en perspective car il double le potentiel à rider.

La poudre est là et les rotations s’enchainent. A force de décaler les runs pour se poudrer le nez, on débouche sur une sorte de combe ou la ligne parait évidente sans trop de forêt, l’axe est évident et large, parsemé de souches et champignons juste de quoi survoler les quelques éternels arcos de service.
De décalage en décalage, on finira le spot par un gros slash turn sur la terrasse de la datcha de Nazarbayev en l’honneur de sa troisième étoile, rouge …

Guide pratique
Un trip dans les pays de l’est çà se prépare plus qu’un autre.
D’entrée de jeu, oubliez de partir comme çà, sans avoir un contact là bas, au minimum un point de chute sûr, les locaux ne parlent que très peu anglais. Nous, le seul mot qu’on a spontanément compris est « snieg ».
Rien que le fait d’aller de l’aéroport à la station sans un seul contact, peut assez rapidement faire basculer le trip dans l’incertitude…
Rien à faire, après plusieurs trips à l’est impossible de comprendre un pauvre mot de l’alphabet cyrillique lu ou parlé c’est souvent satellisant mais aussi déstabilisant.

Visa
Pour aller chez Borat, c’est bien plus simple que pour se rendre en Russie. On peut obtenir le visa en moins d’une semaine en faisant la demande directement à l’ambassade du Kazakastan à Paris . Pas besoin de correspondant, ni de lettre d’invitation nominative et tout le stress qui va avec.
Pour aller plus vite, vous pouvez sûrement solliciter certains prestataires d’obtention de visa qui connaissent la musique.

Tunes
La monnaie est le Tenge : 1 Euro= environ 185 000.
La vie à Chimbulak ne coûte pas 2 anciens francs. On est en station, la seule vraie station du pays, outre les vendeurs de chachlik en front de neige la journée, le soir il ne reste qu’une seule cantine du nom un peu chleuh de Gluten Bar avec les prix qui vont avec, en gros ceux d’une station familiale en France.
Faire du change à l’aéroport d’Almaty avant de monter à Chimbulak, ce sera moins cher que retirer au distributeur de la station.
Les prix sont moins élevés à Almaty.

Chimbulak resort
Pas vraiment de site internet de la station si ce n’est de suivre les liens station à partir de snowforecast.com
Sinon essayez çà :
Tel+7(727)258 19 99 2596867
www.shimbulak.kz (à part deux trois photos, le plan n’est pas top car le site est en cyrillique sans option engliche)
mail : chimbulakSR@mail.ru et demander Nadezhda c’est la responsable communication et marketing de la station.

Le vol
A vous de voir selon lieux de départ, nous on est partis de Genève pour faire une bonne escale à Amsterdam et ainsi fêter le nouvel an chinois au milieu du quartier rouge, inimitable…

Sécurité
S’il est souvent nécessaire de faire un petit laïus sécurité rien ne vaut la preuve par l’image. Çà se passe toujours à Chimbulak dans les jours suivant notre départ. C’est filmé depuis le départ du dernier siège qui mène à Talgar Pass…autant dire que çà fait un léger choc quand on a écumé le spot 10 jours avant.

http://www.youtube.com/watch?v=u9vOVYdQofg

Liens et remerciements