Ski en Norvège – Second Chapitre

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Rider/Texte : Bruno Garban ::
Photos : Xavier Ferrand ::

LYNGSEDET : au départ de l’autre dimension

On en a parlé plus haut, Lyngsedet, c’est un bled perdu dans le creux de la péninsule de Lyngen. Sur le quai du port sont alignés des bateaux de pêche. Ici la nature est préservée et les ports ne sont pas farcis de déchets en tout genre. Il n’empêche que la flotte est bien noire et que même en été tu n’envisage même pas d’y tremper un bout de doigt de pied.
A quai, à l’autre bout du port sont amarrés deux vieux rafiots. Tout est calme, la nuit tombe et on cale la skoda sur un parking désert. Le quai domine les bateaux, après un peu d’attente, un gonzier en ciré jaune et rouge à la Kersauzon arrive à nous, c’est Jaap, le skipper du bateau qui sera notre maison pour la fin du trip. Jaap c’est un dingue de voile et de navigation que ce soit du cruising à la papa ou de la régate. Pour lui c’est bottes en plastoc et ciré toute l’année. C’est le gars sans qui on restera à quai tel le pinpin de St Tropez sans le soleil ni les gonzesses.

Nous prenons place à bord du large pont de l’Opal, un deux mats de 24 m construit dans les années 50 une merveille de bois. Tout est entretenu aux petits oignons. Ranger du matos de ski sur un bateau à quelque chose de surréaliste, l’accomplissement d’un rêve de skieur. Après l’hélico, le bateau pour taper le meilleur spot c’est ultime, ça a quelque chose d’imprévisible. Surtout quand les montagnes s’étirent à perte de vue. Alors on prend conscience que le trip prend alors une autre tournure, l’ampleur du trip inattendu, celui qui te satellise un grand coup.

Les cabines sont grandes comme des boites à chaussure façon sarcophage juste au niveau de la ligne de flottaison. La salle commune est calée au centre de la boutique, des tables, un poêle à bois qui tire tant bien que mal et la cuisine. L’endroit est étriqué mais très cosy. On fait connaissance avec nos collègues de croisière. Il y a Gregor et Véronika un couple d’Allemands. L’une vit à New York l’autre en Suisse. Bon, autant te dire qu’en cas de coup dur, Gregor il a un avantage psychologique réconfortant par rapport à nous, enfin j’me comprends. Il y a aussi Francesco, l’Italien. Cérébral et réservé, il réfléchit à longueur d’année sur les nouvelles énergies, comme d’autres cogitent sur les normes relatives à l’épaisseur des tranches de salami, tu l’as compris, son bureau est à Bruxelles.

A la cuisine, le cuistot c’est Tord, (ou peut être Andreas, enfin je crois), un gars massif un peu rustique qui agite de la casserole dans 3m² d’espace ou tout est accroché en prévision de la brafougne. C’est un orfèvre de la bectance. Il tise du café à longueur de journée, parle peu, sourit peu sauf quand tu lui parles de bécane. Enfin, il y a Peter le guidos, un grand zig tout maigre qui cavale dans les fjords de Narvik, de Norvège et de Navarre à longueur d’année quand il n’est pas en train de glisser des pentes raides et d’ouvrir des faces en Georgie. Ancien rider, Peter est aussi passionné d’avalanche, il est membre de l’association canadienne des guides formateurs sur les avalanches, il organise des stages de rando/formation avalanche pour les particuliers et professionnels, bref, une sorte d’ANENA sur patte le Peter…

Il est tôt, j’entends siffler l’eau juste de l’autre côté de la cloison de ma cabine, enfin de l’autre côté de la coque du bateau. Pas le moindre bruit de moteur. Au fait, je ne t’ai pas dit, le bateau avance au moteur électrique, à la voile et seulement accessoirement au moteur. Là, on est en plein trip rando-écolo graine 0% carbone et autre saloperie, de quoi devenir cafiste sans s’en rendre compte. Rassures toi, on s’est promis de rester vigilants.

Le bateau avance lentement dans le Kajfjord, sur la côte sont disséminées des bicoques de pêcheur colorées, de l’autre côté du fjord la péninsule de Lyngen, des faces énormes, des glaciers et des dizaines de couloirs qui tombent dans l’océan. On approche d’un bout de village pour accoster.

Le petit déj est l’occasion de faire un brief sécurité, topo, dénivelé. Le village se traverse rapidement, un bout de forêt après, on prend pied sur la colline, les peaux glissent tranquillement. On s’élève progressivement. Au sommet, la perspective change, ou que le regard se pose, la Norvège a égrainé des centaines d’iles montagneuses toutes ridables, à la seule condition d’avoir de quoi caboter.

Quelques graines et le moment est venu d’enquiller la descente, trente bons cm de fraiche sont posés là. Pendant la montée, on a pris le temps de s’imaginer au moins 30 fois ce run, ou celui-là ou l’autre encore, là-bas. On gratte tout pour ne pas en perdre une miette. La descente en rando n’est-elle pas une recherche d’optimisation ?. En contrebas, on voit le bateau à quai, sûr que Tord le cuistot a pensé à mettre la bière au frais…

L’Opal reprend sa route et glisse sur une mer d’huile. La bière coule doucement dans le gosier, Tord a mis un bout de son qui diffuse sur le pont, le dernier dernier, album de M. COHEN, en face, le soleil tombe doucement sur l’Ile de Arnoya, contraste incroyable de couleurs, la mer grise, la neige sur les iles et le ciel bleu, le moment est d’autant plus magique qu’il dure bien plus longtemps que ce qu’il aurai duré sous nos latitudes.

Instant mystique et grosse sensation de temps suspendu, le stock de bière n’a qu’à bien se tenir…
Quelques bières plus tard (enfin beaucoup), nous accostons sur l’ile de Uloybukt, ici ça sent vraiment le nord de la Norvège, le petit bled se résume à une cinquantaine de maisonnettes alignées non loin du rivage. Sur le quai des poissons sèchent, on y trouve de la sacrosainte morue et d’autres poiscailles à la tronche en biais qui semblent tout droit sortis des abysses norvégiennes. La soirée déroule, les discutions défilent les histoires de montagne, de ski ailleurs, des souvenirs de la journée écoulée, toutes ces discussions de table qui existent dans le monde du ski pendant la saison hivernale.

Face à Kagen, la mer est agitée, ça souffle, Tord et Jaap mettent l’annexe à l’eau. On accoste sur la plage, au loin seulement deux baraques fatiguées, pas une mobylette ni un baby foot. Le temps de coller les peaux, viser l’entrée dans la combe et s’élever doucement. L’esprit vagabonde et s’invente des randos à l’infini. Machinalement, je checke des couloirs, tout est du domaine du possible (à condition d’être en canne). Devant Peter fait la trace, tel le métronome, un bout de col plus loin, on a basculé l’échine de Kagen, devant nous, un bon 1000 de déniv à enquiller. L’heure n’est pas à la descente, le bateau devrait faire le tour de l’Ile, il faut repeauter et changer de combe pour aller au sommet.

Peter, Veronika, Gregor et Francesco nous ont laissés au col. On tire encore en direction du sommet, ça souffle fort, le sol est devenu un tapis mouvant. La boucle a duré 6 heures et près de 2000 de déniv positif. Il est temps de filer à la plage, la neige est changeante, un peu de carton sur le haut, de la vieille poudre et de la moquette à l’approche de l’apéro. L’Opal est loin de la plage, nous avons rendez-vous à la caisse posée là ce matin par Tord, dedans, nos gilets de sauvetage et des bières… Le soleil tombe, l’annexe arrive pour nous récupérer, demain va encore durer quelques jours …

Je pourrai t’en raconter encore et encore tellement l’endroit est fou, infini, tellement la nature semble être restée figée. Bien sûr, on est monté, mais on a ridé tout ce qu’on a pu. Si ce trip rando était différent, le ski nous a encore permis de vivre de nouvelles expériences dans une montagne toujours différente. Sur le pont de l’Opal revenant vers Lyngseidet, une seule expression nous vient à l’esprit, c’est tellement bon que trop n’est jamais assez.
La skoda est sur le quai, nos housses aussi, notre équipage continue, descendre de l’Opal nous donne l’impression de revenir vers un autre monde, nous quittons Lyngseidet vers Tromso, bien sûr, les bagages me rejoindront une semaine plus tard, au bureau.

Pratique :

Vol :
Notre trajet : Lyon-Amsterdam/Amsterdam-Bergen/Bergen-Tromso.
D’autres passent par Oslo. Nous avons entendu dire qu’il fallait refaire l’enregistrement des bagages à l’entrée en Norvège, (on y a pas eu droit à Bergen), à anticiper pour éviter de se retrouver à poil à Tromso.
Les vols sont multiples l’essentiel, est de faire en sorte d’avoir au minimum 2heures d’escale en Norvège, ça permettra aux bagages de te suivre directement jusqu’à Tromso.
Passeport :
Pas besoin de visa, toujours vérifier que le passeport soit encore valable plus de six mois après ton retour.

Pognon :
Même si tu t’es bien senti en Europe jusqu’en Norvège, et ben t’es pas en zone Euro, il te reste donc à changer quelques talbins en couronne norvégienne. A l’heure ou je te parle, le change : 1 Euro = 9,2789 Couronnes norvégiennes.

Dormir :
Airbnb est carrément pratique pour ce genre de trip. Sinon à Lyngsedet il y a le Magic Moutain Lodge, c’est à priori the place to be quand tu fais de la rando dans les alpes de Lyngen.

Manger :
Ici la nourriture est plus chère, alors toi le randonneur, l’amateur de barre énergétique en tous genre je t’encourage à prendre quelques unités dans ton sac, si tu ne veux pas te trouver obligé de te sustenter à la morue séchée et à la viande de renne trafiquée.
Nous on a chargé la skoda de bière et de courses à Tromso l’histoire d’avoir un fond d’alimentation à disposition.

Boire :
Sans taper dans la quille de vodka, et autres alcools forts incompatibles avec notre condition physique de Killian Jornet, en Norvège, tu trouves de la bière à tout va, les canettes sont de couleur différentes mais on a le sentiment de boire un peu la même chose. Attention toutefois, tu ne peux pas acheter des bières le dimanche, alors anticipes ; ou bois du thé.

Topos :
Des topos on peut en trouver sur les sites de rando, (skitour, camptocamp et consorts) plein de gens font des reportages circonstanciés, il faut juste noter que bien souvent, ils sont redescendus par là où ils sont montés, (merci encore à eux mais surtout faites gaffe quand même par là ou vous descendez). Se procurer un topo guide avant de partir. Même si certaines rando se font à vue, le topo permet d’aller gratter mais aussi d’estimer la durée de la rando selon l’évolution météo, on est proche de l’océan et ça bouge rapidement.

Bouger :
Louer une voiture : on est passé par un loueur du marché, réservée avant ça te permets de bouger directement de l’aéroport pour te poser et venir rechercher tes bagages (cf §bagages). On a arpenté le spot en Skoda Rapid, ce qui nous a permis de caler tout notre matos.

Sécurité :
Si tu n’as pas de guide, tu dois être encore plus vigilant, outre le matos de sécu triptyque, il te faut un portable avec batterie de rechange. En rando (sauf à ce que décides de monter sur du plat) tu es plus exposé au danger, notamment à la montée. Tu dois en permanence checker ton itinéraire de montée, la rando c’est chouette mais tu dois tout le temps observer la montagne et ne jamais débrancher reluquer la neige, les endroits exposés. Le choix de l’itinéraire est primordial.

Stabilité :
Partout dans le monde la neige est un élément insaisissable, donc à toi de checker la météo, les conditions, à toi d’essayer d’évaluer la stabilité à la montée comme à la descente.
En Norvège les faces Est sont réputées instables on a vu beaucoup de ruptures de plaques.
En cas d’embrouille
Le 112 fonctionne.
Penses aussi à souscrire une assurance rapatriement.

Adresses utiles :
www.northsailing.no
Peter le guide : https://www.facebook.com/ps.avalanche.consulting

Remerciements :
Julbo, Rossignol, Eider, Babasurf, north sailing norway