Glacier de la Plaine morte

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Spot : station de Crans-Montana, Valais, Suisse
Scientifiques : Olivier Couach, Julien Mezzo, Elie Bou-Zeid, Hendrik Huwald et Marc Parlange
Photos : Jako Martinet

Le climat de la planète est en train de changer et certaines modifications sont déjà visibles au niveau de nos régions, surtout dans les Alpes. Ces changements climatiques devraient s’amplifier au cours du XXIe siècle. Les températures se sont élevées de manière significative en hiver et en été et les précipitations se modifient aussi, mais d’une façon plus complexe. L’ensoleillement, l’enneigement ainsi que la vitesse du vent sont eux aussi rentrés dans un processus de changement. Compte tenu de l’augmentation moyenne des températures et des précipitations constatées au cours des deux dernières décennies, l’hiver a tendance à débuter plus tard et à s’achever plus tôt. D’autre part, la limite de la neige remonte en altitude. Dans ce contexte de changement climatique, l’expérience du glacier de Plaine Morte permet de mieux comprendre les échanges d’énergie entre l’atmosphère et la neige, phénomènes importants pour interpréter les conditions environnementales susceptibles d’accroître le danger d’avalanches ou d’accélérer la fonte des glaciers.

Expériences de terrain dans les Alpes De janvier à avril 2006, une équipe du Laboratoire de mécanique des fluides de l’environnement et d’hydrologie EFLUM de l’EPFL, en collaboration avec les chercheurs de l’Institut fédéral pour l’étude de la neige et des avalanches (SLF) de Davos, a mené une campagne de mesures sur le Glacier de la Plaine Morte à 3000 mètres d’altitude (voir figure 1). Cette expérience a été rendue possible par le soutien et l’assistance du personnel technique de la station de Crans-Montana. Les patrouilleurs de la station, tout particulièrement ceux travaillant sur la zone glaciaire, ont donné chaque jour des conseils de sécurité aux chercheurs et les ont aidés à transporter plus d’une tonne d’instruments de mesures, de structures de montage, de panneaux solaires, d’ordinateurs et autres enregistreurs de données sur le site de mesures choisi situé à environ 20 mn de l’arrivée du téléphérique (voir figure 2). Le Glacier de la Plaine Morte a été sélectionné comme étant le site de mesure idéal pour mieux comprendre les échanges entre la neige et l’atmosphère. En effet il offre une grande surface plane où le vent est constant, pas perturbé par des obstacles autre qu’une surface de neige lisse sur plusieurs kilomètres et facile d’accès grâce aux remontées mécaniques de la station de Crans-Montana. Les mesures réalisées sur un tel site se rapprochent donc de celles pouvant être réalisées en laboratoire mais là elles le sont en grandeur nature.

Interaction neige-atmosphère Les turbulences de l’atmosphère sont contrôlées naturellement par les propriétés géométriques et physiques de la surface terrestre qui se situe au dessous d’elle. L’atmosphère interagit de façon à la fois dynamique et thermodynamique avec la surface. Les propriétés physiques de la surface influencent les divers flux d’énergie qui parcourent le terrain -lequel, à son tour, affecte les dynamiques atmosphériques. La neige étant davantage poreuse que le sol, le vent pénètre le profil de la neige et influence les flux de masse et de chaleur sous la surface. Les procédés d’échange interstitiel dans la neige affectent aussi le bilan énergétique à la surface. Par conséquent, une compréhension correcte des procédés physiques qui agissent sur les composants individuels de la neige et de le bilan énergétique en surface, ainsi que leur évolution dans le temps, est cruciale pour pouvoir faire des prévisions fiables concernant la persistance de la couche de neige, les propriétés thermiques et dynamiques de cette dernière, ou encore la quantité et la proportion des écoulements des eaux au cours de la fonte des neiges.

Nous avons déployé 12 anémomètres soniques pour mesurer la rapidité du vent et la température de l’air à 20 Hz sur le glacier. Cinq de ces instruments étaient disposés dans une rangée supérieure, le solde se situant en contrebas. (fig. Xxx). Ces instruments mesurent les changements de la vitesse des ultrasons pour déterminer la rapidité et la vitesse du vent à un point donné. Cet ensemble particulier, composé de senseurs multiples – par opposition aux installations habituelles composées d’un seul anémomètre sonique – nous permet de mesurer les propriétés spatiales du champ venteux. L’un des problèmes les plus complexe et à ce jour encore mystérieux dans le flux atmosphérique concerne le comportement de l’atmosphère inférieure lorsque la surface est plus froide que l’air qui réside au-dessus d’elle (connu en tant que conditions atmosphériques stables).

Cet élément est extrêmement important, pas seulement pour les Alpes mais aussi pour les zones urbaines lorsque les problèmes de pollution atmosphérique augmentent dans des conditions nocturnes stables. Lors de conditions stables, la turbulence est supposée être plus ‘intermittente’ -de fortes et fréquentes rafales agissent en érodant le profil de la neige. Des fluides turbulents en contact avec des surfaces solides sont connus pour avoir des caractéristiques structurelles ou « cohérentes » qui dominent l’échange de quantité de mouvement, de masse et d’énergie entre la surface et l’atmosphère subjacente. En utilisant un faisceau lumineux et plusieurs anémomètres soniques, nous ne mesurons pas seulement les flux turbulents de terrain dans le temps mais en capturons également les caractéristiques cohérentes dans l’espace. Ces mesures atmosphériques vont être à présent appliquées afin d’améliorer et de tester les modèles atmosphériques qui sont basés sur une technique appelée  » grande simulation de tourbillon « . ‘Tourbillon’ est un autre terme pour désigner cette  » caractéristique cohérente « , soit l’ampleur de ce mouvement tourbillonnant dans le flux de terrain qui constitue l’échelle de base pour les calculs numériques. La figure (XX) montre que le dépôt de neige sur le glacier au cours de l’expérience nous permet de mesurer naturellement l’atmosphère à différentes hauteurs au-dessus de la surface de la neige.

En simultanée avec les mesures sur les écoulements atmosphériques proche de la surface, des mesures sur l’évolution de la couche de neige et ses propriétés physique sont effectuées. Une station météorologique a été installée près de la structure sur la quelle repose les anémomètres soniques.

Les mouvements d’air dans la neige sont causés par des structures cohérentes. Ce phénomène, aussi connu sous le nom de ‘pompage à vent’, est important pour le transfert d’énergie car il est associé à des changements de phases et de transport de la vapeur d’eau dans la couche de neige. Les fluctuations de la pression atmosphérique et la dispersion des gaz dans le manteau neigeux sont encore mal compris car il existe peu de mesures et d’analyses sur ce sujet. Afin de mieux comprendre les procédés dynamiques et thermodynamiques ayant lieu dans le manteau neigeux, nous avons mesuré à une fréquence de 10 Hertz les gradients de pression verticaux et horizontaux dans la couche de neige à différentes profondeurs et sur différents sites du glacier. Deux axes d’un mètre de long chacun munis de ports de pression à plusieurs niveaux verticaux ont été plantés verticalement dans la couche de neige dans un axe parallèle à la direction principale du vent soufflant lors des mesures (voir figures 11 et 12). Dans le but d’étudier la diffusion, la dispersion et la perméabilité de l’air dans la neige, des expériences avec des gaz traces ont aussi été réalisées. Un mélange de gaz ayant la même densité que l’air a été injecté dans la couche de neige à 30 cm et a été suivi de prélèvements réguliers à différentes profondeurs et sur différents sites (voir figures 13 et 14

Les premières analyses de ces mesures ont montré des fluctuations de la pression proche de la surface de la neige et des phénomènes de transport actif (gaz traces) même avec un vent faible. Les liens entre ces phénomènes et les écoulements atmosphériques vont être à présent investigués à partir des mesures des anémomètres soniques, des hygromètres et de la station météorologique.

Ci-dessus, Julien se prend pour un anémomètre sonic, et Elie aime de plus en plus la neige…

L’expérience du Glacier de la Plaine Morte a permis d’obtenir des séries de mesures uniques et de très bonne qualité. Les résultats finaux vont servir à l’ensemble de la communauté scientifique et lui permettre d’améliorer les modèles d’hydrologie (de la neige) et d’évolution de la couche de neige. Le but final est d’utiliser ces mêmes modèles pour faire des prévisions sur l’évolution de la couche de neige (fonte des neiges) et les écoulements printaniers des eaux dans les bassins hydrographiques alpins.

Marc Parlange est professeur ordinaire à l’EPFL et directeur du laboratoire EFLUM.
Cette expérience a été menée avec le centre de recherche de Davos, qui est spécialiste de l’étude de la neige.
Olivier Couach est post doctorant à l’EPFL et il ride aussi pour ACG et Mantra
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